BOUSSOLE - Mathias ENARD Prix Goncourt 2015

Publié le 10 Novembre 2015

Brillant, érudit, intelligent et passionnant !

Le professeur Frantz Ritter, musicologue orientaliste, lors d’une nuit d’insomnie, se remémore son histoire avec Sarah vécue au hasard de leurs rencontres en Orient.

Mathias ÉNARD prend prétexte de ce long voyage nocturne dans la vie du musicologue pour nous révéler, ou rappeler,  l’attirance, le tropisme qu’a exercé, et exerce encore, l’Orient arabo-turc, communément appelé le Proche et le Moyen-Orient en Europe, sur l’intelligentsia occidentale et plus particulièrement européenne. Tous ces philosophes, musiciens, poètes, écrivains, historiens, archéologues … qui ont cherché depuis des siècles dans cet Orient les racines de l’Occident.

Il met en lumière que l’Orient ce n’est pas les brutes incultes de l’EI, ni les mollahs iraniens ou les États du Golfe gouvernés au nom d’un islam dévoyé ; l’Orient, c’est aussi, et surtout, une culture magnifique et millénaire depuis l’invention de l’écriture en Mésopotamie jusqu’à aujourd’hui.

Ce tropisme intellectuel, symbolisé par la boussole « magique » offerte par Sarah à Ritter qui indique non le Nord mais l’Est, doit être base de partage, de construction commune entre les cultures orientales et occidentales qui sont déjà si imbriquées ; leurs relations, nos relations entre Hommes devraient être faites « du savoir, de la musique, de l’amour, des rencontres  des échanges ».

Mathias ÉNARD est un grand écrivain, amoureux de l’Orient et des Hommes, qui réussit le tour de force de quasiment saturer son livre de références et incidentes érudites, européennes (j’arrive à suivre un peu) et orientales ( là c’est l’inconnu pour moi et cela entrebâille une porte à ma curiosité et à mon ignorance), sans être un instant pédant ni ennuyeux, ni illisible.

Un excellent livre humaniste, qui demande un effort au lecteur, à lire et à relire quelques temps après. 

Didier

L'Europe a sapé l'Antiquité sous les Syriens, les Irakiens, les Égyptiens : nos glorieuses nations se sont approprié l'universel par leur monopole de la science et de l'archéologie, dépossédant avec ce pillage les populations colonisées d'un passé qui, du coup, est facilement vécu comme allogène : les démolisseurs écervelés islamistes manient d'autant plus facilement la pelleteuse dans les cités antiques qu'ils allient leur profonde bêtise inculte au sentiment plus ou moins diffus que ce patrimoine est une étrange émanation rétroactive de la puissance étrangère.

Elle parla ... du XXIè siècle où, face à la violence, nous avions plus que jamais besoin de nous défaire de cette idée absurde de l'altérité absolue de l'Islam et d'admettre non seulement la terrifiante violence du colonialisme, mais aussi tout ce que l'Europe devait à l'Orient - l'impossibilité de les séparer l'un l'autre, la nécessité de changer de perspective. Il fallait, disait-elle, au delà de la bête repentance des uns ou de la nostalgie coloniale des autres, une nouvelle vision qui inclue l'autre en soi. Des deux côtés.

Né en 1972, Mathias Enard a étudié le persan et l’arabe et fait de longs séjours au Moyen-Orient. Il vit à Barcelone.

Mathias Énard, après une formation à l'École du Louvre, suit des études d’arabe et de persan. Après de longs séjours au Moyen-Orient, il s’installe en 2000 à Barcelone. Il y anime plusieurs revues culturelles. Il traduit deux ouvrages, l'un du persan, et l'autre de l'arabe. Il participe aussi au comité de rédaction de la revue Inculte à Paris et, en 2010, il enseigne l'arabe à l'université autonome de Barcelone.

Il est pensionnaire de la Villa Médicis en 2005-2006.

Féru d'art contemporain, Mathias Énard a par ailleurs créé en 2011 les éditions d'estampes « Scrawitch », et sa galerie éponyme, dans le 11e arrondissement de Paris, créée avec Thomas Marin, lithographe, et Julien Bézille, philosophe de formation.

Œuvre

  • La Perfection du tir, Actes Sud,‎  ; rééd. Babel, Actes Sud, n°903, 2008

Roman narratif d'un tireur embusqué durant une guerre civile - d'un pays non évoqué, mais qui pourrait être le Liban.

Prix des cinq continents de la francophonie 2004 - Prix Edmée-de-La-Rochefoucauld 2004

 

  • Remonter l’Orénoque, Actes Sud,‎
  • Bréviaire des artificiers (ill. Pierre Marquès), Éditions Verticales / Gallimard,‎
  • Zone, Actes Sud,‎  ; rééd. Babel, Actes Sud, n° 1020, 2010

Roman caractérisé par une seule phrase, à la première personne, de cinq cents pages.

Prix Décembre 2008 - Prix du Livre Inter 2009 - Prix Candide 2008 - Bourse Thyde-Monnier SGDL 2008 - Prix Cadmous 2008 - Prix Initiales 2009

 

  • Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, Actes Sud,‎  ; rééd. Babel, Actes Sud, n° 1153, 2013

Conte sur un épisode probablement fictif de la vie de Michel-Ange, une escapade à Constantinople, où il débarque le 13 mai 1506 à l'invitation du sultan Bajazet II. Ce court récit montre la Constantinople tolérante et européenne qui a su accueillir les juifs chassés d'Espagne par les rois catholiques.

Prix Goncourt des lycéens 2010, Prix du livre en Poitou-Charentes & Prix La Voix des lecteurs 2012

  • L'Alcool et la Nostalgie, Éditions Inculte,‎ ; rééd. Babel, Actes Sud, n° 1111, 2012
  • Rue des voleurs, Actes Sud,‎

Récit de voyage d’un jeune Marocain errant en Espagne lors des printemps arabes et du mouvement des indignés.

Prix Roman-News 2013, Prix de l'Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire 2013, Prix Liste Goncourt/Le Choix de l’Orient 2012 décerné à Beyrouth sous les auspices de l'Institut français du Liban et de l'Agence universitaire de la Francophonie

 

  • Tout sera oublié (ill. Pierre Marquès), Actes Sud,‎
  • Boussole, Actes Sud, 2015, 378 p.

Prix Goncourt 2015

Rédigé par Bibliothèque Pour Tous

Publié dans #Actualités, #Prix littéraires, #Livres adultes

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